Google jugé coupable de contrefaçon pour son service Google Livre.
Les extraits ne sont pas de « courtes citations »
On savait déjà que le service Google Livre rencontrait une vive opposition de ce côté-ci de l’Atlantique, comme je l’expliquais dans mon billet Ebooks : qui sera le maitre du livre ? Amazon Kindle ou Google Books?. Leur projet de librairie universelle en ligne a en effet de quoi provoquer des vagues dans le milieu feutré de l’édition.
Mais la décision qu’a rendu, ce 18 janvier 2009, le Tribunal de Grande Instance de Paris est plus surprenante : Google vient d’être condamné pour son service actuel qui permet d’afficher uniquement des extraits. Poursuivi, notamment par les Éditions du Seuil, Google se défendait, entre autres moyens de défenses plus ou moins dilatoires, en arguant que ces extraits rentraient dans le cadre de l’exception de citation, et qu’il ne pouvait être donc accusé de contrefaçon.
Las, le TGI n’a pas accepté cet argument, bien que seules des citations de quelques lignes sont affichées de manière aléatoire, lors d’une requête d’internaute à partir de mots clés. Pour le tribunal, l’exception ne peut s’appliquer car « les couvertures concernées sont communiquées au public dans leur intégralité, même en format réduit, et que l’aspect aléatoire du choix des extraits représentés dénie tout but d’information tel que prévu par l’article L 122-5 3°du Code de la Propriété Intellectuelle ». Le tribunal estime également que le fait de faire apparaître les œuvres de manière aléatoire, sous forme de bandeaux de papiers déchirés, constitue une atteinte à l’intégralité des œuvres.
Quel but poursuivent les maisons d’édition françaises?
Les extraits des livres du Seuil, dont Astérix édité par la Martinière, et d’autres maisons d’édition que je ne connais pas, ne seront donc plus disponibles sur le Web. Ce jugement est surprenant, car quand je suis sur le Web ou à la Fnac, quand je feuillette un bouquin et que ce que je lis m’intéresse, je l’achète. Je ne comprends donc pas bien l’intérêt à agir de ces différents maisons d’édition françaises.
Cela est d’autant plus regrettable qu’il se confirme que 2010 sera bien l’année de l’ebooks et des e-readers. Je vous invite à lire la bonne synthèse faite par The Economist à ce sujet.
Ainsi plutôt que de gaspiller de leur énergie dans des procès à répétition, les maisons d’édition françaises ne feraient-elles pas mieux de négocier avec Google pour numériser/diffuser leurs ouvrages et profiter des nouveaux supports numériques. C’est bien ce que les maisons d’édition américaines sont en train de faire. Plutôt que de s’opposer à une entreprise qui réalise aujourd’hui un chiffre d’affaire de près de 21 milliards de dollars quand les 12 principaux groupes d’édition français représentent ensemble 5 millards d’euros, ne serait-il pas plus avantageux de chercher à avancer main dans la main avec le géant de Mountain View ?
Car, je ne suis pas persuadé que le petit village gaulois gagne grand chose à ce jeu-là. Google va arrêter de numériser les ouvrages français et les internautes se tourneront vers les ouvrages en anglais ou espagnol. Allez parler de francophonie et d’exception culturelle après cela.
Pour ceux que cela intéresse, la décision complète du tribunal à télécharger : Edition du Seuil et autres c/ Google Inc et France