Les acteurs Internet prêts pour la TV connectée
Une transformation qui prend forme : illustration avec YouTube XL
A la fin de l’année dernière, YouTube a adopté le format 16/9ième puis a permis un encodage en HD, avec une vidéo de 720 pixels de large (pour plus de précisions sur les formats, je vous renvoie vers leurs recommandations).
Puis, en début d’année, YouTube a mis en place un système de publicité similaire à celui que vous avez sur votre télévision : les rolls, autrement dit une coupure pub avant, pendant ou après la visualisation de votre vidéo (pre, mid et post rolls). Pour le moment, YouTube s’est limité aux pre-rolls (format qu’a inauguré Hulu) avec des publicités avant le contenu demandé d’une durée de 25 à 30 secondes. Le directeur de YouTube au Royaume-Uni, Suveer Kothari, assure qu’ils ont «toujours cherché un compromis entre les utilisateurs, les fournisseurs de contenus et les annonceurs ». Youtube veut ainsi :
- Générer de nouvelles sources de revenus pour lui-même, mais surtout pour les éditeurs de contenu et ayants-droits
- Sortir du rôle de fournisseur de contenus produits par les utilisateurs (UGC), sans doute amusants et distrayants, mais souvent de piètre qualité
Les estimations les plus souvent émises sont que YouTube arriverait à vendre environ 50% de ces nouveaux espaces à un CPM assez élevé (un peu plus de $15) avec des taux de clic autour de 2%.
Ensuite, il avait lancé, assez discrètement, un nouveau service en janvier, YouTube XL, accessible uniquement à partir de la Playstation 3 et la Nintendo Wii. Depuis juin, ce service est accessible à partir de n’importe quel navigateur Internet, mais aussi à partir des postes de télévison connectés à Internet, quel que soit le moyen. Et YouTube annonce vouloir rendre ce service disponible dans 22 pays et 12 langues différentes.
Profitons-en pour revenir sur ce service et pour examiner ce qui se fait en matière de connexions de TV à l’Internet (connected TV).
YouTube XL, le goût et l’odeur de la télé
L’interface a été simplifiée au maximum pour être facilement lisible sur un écran de TV (HD, quand même) et l’ergonomie profondément remaniée afin de permettre un contrôle à la télécommande, ou par l’intermédiaire d’un écran tactile :
- Les caractères et les icônes sont gros et très lisibles
- Les éléments cliquables sont surlignés en jaune dès que l’on passe la souris dessus, d’une manière similaire à ce qui est fait pour rendre les sites web accessibles aux malvoyants.
Voici quelques shoots écrans pris lors du lancement en juin, mais vous pouvez vous rendre à l’adresse officielle pour tester par vous-même le service : http://www.youtube.com/xl
La page d’accueil :
La page de détails sur un contenu :
La page de visualisation en quart d’écran, avec les recommandations (rating, recommandation content to content) et les outils sociaux standards nécessitant une identification (favoris, partage avec ses amis, envoi d’un mail)
La visualisation en plein écran :
Les lacunes sont les mêmes que celles que l’on peut trouver sur toutes IHM utilisant la TV comme interface (décodeurs et STB notamment). Les écrans nécessitant une sélection de plusieurs critères ou une entrée de caractères sont réduits à leur plus simple expression. On reste sur le même paradigme qu’actuellement :
- on cherche et on choisit sur son PC
- on regarde sur sa télé
Notons que YouTube a même pensé au contrôle parental.
Quelles différences avec les modèles actuels ?
Tout ceci ressemble donc furieusement à l’interface proposée par la boite que vous loue votre opérateur satellite, votre cablo-opérateur ou votre FAI.
Cependant, la différence est de taille : cet intermédiaire entre le client et le fournisseur de contenu disparait. Le client pourrait accéder directement au contenu de l’ensemble de l’Internet sans abonnement particulier et sans que qui que ce soit fasse le tri dans le contenu auquel il pourrait accéder. On passerait alors d’un système fermé contrôlé par les opérateurs médias et télécoms à un système ouvert où de nouveaux acteurs joueraient le plus grand rôle.
Il ne manque plus qu’un poste de télévision qui puisse se connecter à l’Internet : plusieurs solutions existent déjà.
La TV connectée pour 2010
Le moyen le plus utilisé pour connecter sa télé à Internet sera, dans un premier temps, les consoles de jeux. Ce n’est pas vraiment une surprise. Microsoft (avec la Xbox 360), Nintendo (avec la Wii) et Sony (avec la PSP 3) ont vendus plusieurs dizaines de millions de consoles. De surcroit, outre l’accord entre YouTube XL et ces 3 fabricants, d’autres accord ont été négociés et certains sont déjà des succès.
Ainsi, Netflix, qui propose des services d’abonnement à des vidéos (sur cassettes, DVD, mais aussi Internet), a conclu un partenariat avec Microsoft aux Etats-Unis. En 3 mois, ce ne sont pas moins de 1 million de possesseurs de Xbox 360 qui ont fait usage de cette nouvelle application sur leur console.

Netflix sur Xbox 360
Le deuxième moyen, actuellement en vogue, ce sont les STB ou les applications PC ad hoc, permettant de capter le flux Internet et de le renvoyer vers la TV :
- côté soft, c’est actuellement Boxee
qui fait le plus parler de lui avec une solution qui permet de diffuser sur sa télé des contenus de site de qualité : Joost, YouTube, Netflix, CBS, CNN, ABC. Hulu a, en revanche, interdit à Boxee de continuer à diffuser ses programmes en février dernier. Cela n’a pas trop gêné Boxee qui est passé dans l’intervalle de 100 000 à 600 000 abonnés. La solution est disponible pour Mac, Linux, Apple TV et bientôt Windows.
côté hard, on, retiendra la STB à $99 de Roxu, qui permettait initialement d’accéder uniquement aux contenus de Netflix. Mais un accord a été conclu avec Amazon Video et c’est donc un catalogue de près de 40 000 VOD qui devient accessible à tous les abonnés de Netflix (plus de 8 millions) en pay-per-view.

Boxee Page d'accueil

Amazon Video
Mais la solution qui parait la plus prometteuse, ce sont les TV connectées autonomes, avec un accès Wifi ou Ethernet intégré et un browser HTML. Au CES de Las Vegas de cette année, les grands fabricants de TV, Samsung, Panasonic, Sony ont tous annoncé des versions de leurs produits connectés à Internet pour accéder à toutes sortes de services Internet, dont ceux proposant de la vidéo. Et LG Electronics a annoncé que Netflix (encore lui !) sera disponible sur ses prochaines télés.

Coonected TV Viera de Panasonic
Les annonces se sont à nouveau succédées à l’IFA, qui se tient actuellement à Berlin, où Sony, Philips, Loewe et j’en passe, ont présenté leurs modèles annoncés pour début 2010.

Connected TV Toshiba

Connected TV Samsung powered by Yahoo
Et les consommateurs sont prêts à payer un surcoût significatif pour disposer de tels services sur leur poste de télévision. Ainsi aux Etats-Unis, une somme de $100 ne paraît pas déraisonnable :
Avec le coût d’une STB de base autour de 40€, les constructeurs n’ont aucune difficulté pour intégrer les mêmes composants dans une télé. Et les ventes décollent, du moins aux US :
En conclusion
La Tv sera connectée à Internet et la désintermédiation est en marche. On voit déjà se profiler quelques acteurs marquants dans ce paysage : Netflix pour la Pay VOD (abonnement ou pay-per-view), Hulu pour la Catch-Up (modèle publicitaire ou abonnement) et YouTube pour les UGC (modèle publicitaire).
Aux Etats-Unis, les réactions sont riches d’enseignements :
-
les éditeurs de contenus, qui y voient un nouveau moyen de diffusion, sont pour et le Chief Executive de Disney a clairement déclaré qu’il ne fallait pas restreindre l’accès aux services de VOD sur Internet à partir du poste de TV : « The consumer is king, not us the content provider and not you the distributor« . Où l’on voit aussi qu’ils ont tirés les leçons de ce qui s’est passé pour les contenus musicaux.
- les distributeurs sont contre, et l’on comprend aisément pourquoi. Ainsi le Chief Operating Officer de Time Warner Cable de déclarer que les services « over-the-top », comme Netflix menaçaient le modèle de revenus des câblo-opérateurs (abonnement + publicité). « It’s imperative that distribution and content work together […] But we have to be very careful of stuff like over the top or all video content over the top on the Internet. There is a dual revenue stream that we have to be careful of. Surviving on just advertising is a very tough thing”.
Tous les diffuseurs de contenus, chaines de TV, opérateurs satellite ou câble, opérateurs télécoms ayant une stratégie de contenus (Orange) ont intérêt à prendre ce risque en compte.